Vous connaissez sans doute son visage, peut-être moins son nom. Il a été l’un des acteurs fétiches de James Cameron, avec lequel il a tourné quatre longs-métrages, de « The Terminator » à « Titanic ». Il a tourné avec Kathryn Bigelow, Ron Howard, Sam Raimi, Steven Soderbergh, Doug Liman. Bill Paxton était l’un de ces comédiens discrets, souvent cantonné à des seconds rôles mais des rôles pour la plupart marquants, que l’on oublie pas à l’image de son personnage de Simon dans « True Lies ». Il était souvent qualifié comme l’un des plus célèbres seconds rôles du cinéma. Il nous a quitté le 25 février 2017 à l’âge de 61 ans, bien trop tôt, laissant un grand vide dans le cinéma américain et auprès des personnes l’ayant connu. Nous allons lui rendre hommage tout au long de ce portrait, et essayer de lever le voile sur l’être humain, la personne derrière l’artiste, et pourquoi il était tant aimé et apprécié de son vivant.
Il est vraiment impossible d’exagérer l’impact que Bill a eu sur la vie de tous ceux qui ont eu la chance de le connaître. Il est peut-être parti, mais il ne sera jamais oublié.
Gale Anne Hurd, le 17 mai 2024
Bien avant le cinéma…
William Paxton est né à Fort Worth, au Texas, le 17 mai 1955, fils de Mary Lou (née Gray; 1926-2016) et de John Lane Paxton (1920-2011). Sa mère était une catholique romaine qui l’a élevé, lui et ses frères et sœurs, dans sa foi. Son père était un homme d’affaires, grossiste en bois, directeur de musée et (au cours de la carrière de son fils) un acteur occasionnel, apparaissant notamment dans les films « Spider-Man » de Sam Raimi dans le rôle de Bernard Houseman et aux côtés de Bill dans « A Simple Plan » (1998). Son arrière-arrière-grand-père était Elisha Franklin Paxton (1828-1863), général de brigade de l’armée confédérée pendant la guerre civile qui fut tué en commandant la brigade Stonewall à la bataille de Chancellorsville.
Bill Paxton était le petit-neveu de Mary Paxton Keeley, une éminente journaliste et amie proche de Bess Truman. À l’âge de huit ans, il était dans la foule lorsque le président John F. Kennedy est sorti de l’hôtel Texas à Fort Worth le matin de son assassinat, le 22 novembre 1963. Des photographies de Bill soulevé au-dessus de la foule sont exposées au Musée du sixième étage à Dealey Plaza à Dallas, au Texas.
Il a ensuite coproduit le film Parkland sur l’assassinat. Diplômé de l’Arlington Heights High School à Fort Worth en 1973, il a étudié au Richmond College de Londres, aux côtés de son ancien ami de lycée Danny Martin. Là, ils ont rencontré Tom Huckabee, originaire du Texas, avec qui ils ont réalisé des courts métrages Super 8 pour lesquels ils ont construit leurs propres décors. L’un des premiers rôles principaux de Bill était dans le film expérimental de Huckabee, « Taking Tiger Mountain ». Bill Paxton a ensuite déménagé à Los Angeles, où il a travaillé dans les départements d’accessoires et d’art et comme voiturier au Beverly Hills Hotel. Après avoir été rejeté par les écoles de cinéma du sud de la Californie, il a changé ses ambitions de devenir réalisateur pour être acteur.
Les débuts
Bien avant de devenir acteur, Bill Paxton a réalisé plusieurs courts-métrages, dont le clip de la chanson originale de Barnes & Barnes « Fish Heads », diffusé pendant la saison 1980-1981 de Saturday Night Live et qui était en forte rotation au début de la chaîne musicale canadienne MuchMusic. Il a également été choisi dans un clip pour la chanson de Pat Benatar de 1982 « Shadows of the Night » dans laquelle il est apparu comme un officier de radio nazi. En 1981, Paxton a travaillé dans le film « Stripes » en tant que soldat, dans la scène du bar avec John Candy et Bill Murray.
Parmi les premiers rôles de Bill Paxton figurent celui d’assistant mortuaire dans « Mortuary » (1983), un rôle mineur de punk dans « The Terminator » (1984), un rôle mineur de barman dans « Streets of Fire », un rôle de soutien en tant que frère aîné du protagoniste, Chet. Donnelly dans « Weird Science » de John Hughes (1985).
Un pur plaisir de cinéphiles est le passage éclair de Bill Paxton dans « The Terminator », où il figure dans le trio de punks à être les premières victimes de la machine venue du futur campée par Arnold Schwarzenegger.
La révélation « Aliens »
En 1986, Bill Paxton retrouve le réalisateur James Cameron dans le film de science-fiction horrifique « Aliens », suite guerrière du chef-d’œuvre de Ridley Scott. Sa performance remarquée dans le rôle du soldat Hudson lui vaut le Saturn Award du meilleur acteur dans un second rôle. Loin d’être un rôle de figuration, Hudson occupe une place importante dans le groupe. Il apparaît comme le plus touché émotionnellement par les horreurs auxquelles ils sont confrontés, toujours sur la brèche, au bord de la rupture. De par cette fragilité qui le caractérise, il est celui auquel il est le plus facile de s’identifier en tant que spectateur. Il se révèle également courageux, et partira comme le marine qu’il est, dans l’enfer du combat l’arme à la main. Nombre de ses répliques sont depuis devenues cultes.
Bill a apporté une telle authenticité à tout ce qu’il a fait – dans la vie et dans son travail. Il était le Texan par excellence – incroyablement charmant, chaleureux, généreux, toujours avec un scintillement dans les yeux. Il aimait sa famille, ses amis, son travail et leur donnait tout. Je ne peux pas croire qu’il soit parti.
Sigourney Weaver
L’ascension
En 1987, Bill Paxton incarne le plus psychotique des vampires, Severen, dans le film d’horreur néo-occidental de Kathryn Bigelow, acclamé par la critique, « Near Dark » (aussi appelé « Aux Frontières de l’Aube » en France), dans lequel il retrouve Lance Henriksen, le droïde Bishop du précédent film « Aliens ». Pour l’anecdote, le mot vampire n’est jamais utilisé durant le film, et les antagonistes n’en partagent aucune des caractéristiques physiques, comme par exemple les fameux crocs en lieu et place des canines. Les seuls points communs sont l’allergie mortelle au soleil et le fait de se nourrir de sang.
Il apparaît ensuite dans quelques films mineurs, mais qui lui permettent de donner la réplique à des poids lourds comme Mark Hamill, Patrick Swayze, Bill Pullman, George Kennedy, Brian Dennehy, Charlie Sheen.
En 1990, nouvelle apparition remarquée dans « Predator 2« , de Stephen Hopkins, suite du chef-d’œuvre de John McTiernan écrite par le même duo de scénaristes. La jungle urbaine de Los Angeles dans un futur proche supplante la jungle sud-américaine, mais reste tout aussi étouffante et poisseuse. Les cartels de la drogue se livrent une guerre terrible, avec la police prise entre deux feux, un terrain de jeu propice à la chasse aux trophées pour l’extraterrestre. En tête d’affiche, on retrouve la stature imposante de Danny Glover, Maria Conchita Alonso, Gary Busey, et bien sûr Bill Paxton en policier désinvolte, fraîchement transféré. Le comédien se révèle une fois de plus impeccable, livrant une prestation là encore différente des précédentes, toute en nuance. Son aisance à se fondre dans un personnage et à se hisser au niveau de ses partenaires plus expérimentés en fait un acteur sous-estimé qui mérite qu’on lui rende hommage.
le 19 novembre 1990
Suite à cela, Bill Paxton enchaîne à nouveau quelques films mineurs, dont le rôle principal d’une réalisation de Walter Hill, « Trespass » (aussi appelé « Les Pilleurs » en France). Il faut attendre l’année 1994 pour assister aux retrouvailles de Bill Paxton avec James Cameron et Arnold Schwarzenegger dans l’excellent « True Lies ». Bill trouve ici ce qui est peut-être son rôle le plus jubilatoire et drôle, il s’en donne véritablement à cœur-joie avec une prestation toute en autodérision.
Bill Paxton pouvait jouer n’importe quel rôle, mais il était le meilleur dans le rôle de Bill – un grand être humain au cœur immense.
Arnold Schwarzenegger
Non. Bill Paxton est parti. Un humain tellement drôle, talentueux et aimant. Louise, les enfants et la famille, mon ❤ et soutien à vous.
Jamie Lee Curtis
La route des étoiles
L’année suivante, il rejoint l’aventure spatiale « Apollo 13 », de Ron Howard, aux côtés de Tom Hanks et Kevin Bacon. Le film reporte deux Oscars, pour le Meilleur montage et le Meilleur son.
Bill Paxton était tout simplement un homme merveilleux.
Tom Hanks
Certains de mes souvenirs préférés sont ceux de flotter dans un petit vaisseau avec Bill Paxton au grand cœur, hilarant et brillant.
Kevin Bacon
Le phénomène « Twister »
En 1996, il tient sa première véritable tête d’affiche aux côtés de Helen Hunt dans « Twister », de Jan de Bont (réalisateur de « Speed »). Tel une tornade emportant tout sur son passage, le film s’impose comme l’un des grands vainqueurs du box-office de l’été aux États-Unis. Partant d’un budget de 92 millions de dollars, le film a rapporté 241 millions à domicile, et 494 millions au global. Une consécration et le sommet de la carrière de Bill Paxton.
Il aimait la partie physique du jeu d’acteur. Il a fait ses propres cascades – il n’aurait laissé personne lui enlever cela. Cette scène dans « Twister » où ils sont en chemin vers la grande tornade – il a tout fait lui-même. À l’époque, nous n’avions pas d’effets visuels – nous devions le faire pour de vrai. (…) Il s’est blessé. C’était comme si des pierres (des morceaux de glace, ndlr) lui arrivaient dessus. Dans le film, vous pouvez voir les coupures sur son visage – elles sont réelles. Mais à la fin de la scène, il était plein d’adrénaline. (…) La plupart des acteurs avec qui j’ai travaillé ne veulent même pas s’approcher de ce genre de choses. Mais c’est ce qui représentait Bill. Il n’arrêtait pas de dire : « Certaines choses ne peuvent pas être jouées, il faut les ressentir ».
Jan de Bont
L’hommage des chasseurs de tornades
Le jour de la mort de Bill Paxton, plusieurs chasseurs de tornades à travers le monde se sont organisés afin de faire écrire les initiales BP sur l’application Spotter Network qui recense les phénomènes climatiques, et sur laquelle ces scientifiques casse-cous peuvent signaler les apparitions de tornades. Un second hommage virtuel a été réalisé avec l’application RadarScope Pro, également destinée aux « storm chasers », à l’aide de signaux GPS. John Wetter, président d’une association qui traque les chasseurs de tornades à l’aide de leurs positions, explique que le film « Twister » a touché des milliers de météorologues, car il s’agissait d’une première dans les médias de masse où l’on montrait le métier de façon cool, et Bill Paxton y a contribué.
Dorothy, l’engin de mesure que les personnages du film tentent d’envoyer dans l’oeil d’une tornade, est exposée dans le hall du National Weather Center à Norman, Oklahoma. Après la sortie du film, Bill Paxton est resté en contact avec les amateurs et les experts en météorologie. Il prêta même sa voix pour le documentaire Tornado Alley, consacré aux chasseurs de tornades.
L’hommage de Glen Powell
Alors que nous lançons « Twisters » dans le monde aujourd’hui, je voulais juste lever les yeux et tirer mon chapeau à la légende qu’est Bill Paxton. Un grand ami à moi qui voyait de la poésie dans le monde naturel. Il est impossible de chausser ses bottes, mais cette vie consiste à poursuivre les meilleurs.
Glen Powell
L’hommage de son fils, James
Bill Paxton était jeune papa lorsqu’il partit pour l’Oklahoma à la poursuite des tornades pour les besoins du film « Twister » en 1995. Son fils, James, avait un peu plus d’un an et la femme de Bill, Louise, a amené le bébé pour une visite. Trente ans plus tard, il rend hommage à son père et a même un petit rôle dans « Twisters », suite du film à succès.
J’étais un peu trop jeune pour former des souvenirs cognitifs durables, mais il y a quelques photos sympas […] Malheureusement, je ne m’en souviens pas, mais je suis content que nous ayons la photo pour dire : « Hé, j’étais là. » […] Cela a été très difficile pour pouvoir parler de la perte de mon père, pour moi et ma famille. J’ai voulu faire des choses qui aident à garder sa mémoire vivante et à me sentir aussi proche de lui que possible. Je le ferai toujours. Mais j’ai dû investir beaucoup d’énergie dans l’art pour y faire face, pour m’en sortir, parce qu’il y a eu des moments où je ne savais pas comment continuer dans cette carrière et être moi-même. Il me manque juste mon mentor, mon héros, qui n’est pas là pour le voir.
James Paxton
L’après « Twister »
Un an plus tard, il incarne un explorateur de fonds sous-marins dans « Titanic » (1997) de James Cameron, qu’il retrouve pour la quatrième fois. Son personnage est à la tête de l’expédition consistant à plonger à la rencontre de l’épave du Titanic, et il rencontrera Rose, alors âgée, dont les souvenirs vont être ravivés et donner vie à l’histoire que nous connaissons sous forme d’un long voyage vers le passé.
En 1998, il joue dans « Un plan simple », de Sam Raimi, une production plus modeste saluée par la critique.
La concrétisation d’un rêve
En 2002, Bill Paxton voit son rêve de jeunesse devenir réalité, en endossant pour la première fois de sa vie la casquette de réalisateur d’un long-métrage, avec « Frailty » (aussi appelé « Emprise » en France), dont il est également à l’affiche aux côtés de Matthew McConaughey et Powers Boothe.
Fait intéressant, il s’agit d’un film d’horreur psychologique, dont l’intrigue se concentre sur l’étrange relation entre deux jeunes frères et leur père, qui croit que Dieu lui a ordonné de tuer des démons déguisés en personnes. Sorti dans les salles le 12 avril 2002, le film a reçu des critiques généralement positives, et a rapporté 17 millions de dollars pour un budget de 11 millions.
L’essor télévisuel
Moins présent au cinéma au cours des années 2000, sa carrière trouve un nouveau souffle en 2006 en jouant son premier rôle majeur à la télévision, celui de Bill Henrickson dans la série « Big Love » diffusée sur HBO. Ce rôle d’un mormon fondamentaliste qui vit avec ses trois femmes lui vaut d’obtenir plusieurs nominations aux Satellite Awards et aux Golden Globes. La série connaîtra cinq saisons.
En 2012, il interprète face à Kevin Costner, Randolph « Randall » McCoy, dans la mini-série de western « Hatfields and McCoys », relatant le conflit entre les deux familles.
Fin de carrière et décès
En 2014, il joue dans six épisodes de la première saison de la série « Marvel : Les Agents du SHIELD », où il incarne l’agent John Garrett. La même année, il tient deux rôles remarqués au cinéma, celui d’un caméraman indépendant vendant ses images à des journaux télévisés, dans le néo-noir psychologique « Night Call » de Dan Gilroy, dans lequel il donne la réplique à Jake Gyllenhaal. Dans « Edge of Tomorrow » de Doug Liman, il incarne un sergent-maître dans ce film de science-fiction sur fond de boucle temporelle, où il donne la réplique à Tom Cruise.
En 2017, il forme un duo avec Justin Cornwell dans la série « Training Day », relecture du film de 2001 réalisé à l’époque par Antoine Fuqua. Il décède à 61 ans durant la diffusion de la première et unique saison de la série. Sa dernière apparition devant la caméra se fait à titre posthume dans le film « The Circle », de James Ponsoldt.
En février 2017, quelques semaines avant une opération de chirurgie cardiaque, Bill Paxton révèle dans une interview qu’il a une valve cardiaque endommagée, résultat d’une fièvre rhumatismale contractée dans sa jeunesse.
Il décède le 25 février 2017 à Ojai, Californie, à l’âge de 61 ans, des suites de complications liées à cette opération. Incinéré, ses cendres sont enterrées au Forest Lawn Memorial Park d’Hollywood Hills.
Tu étais un grand ami pour moi, Bill. ET l’un des meilleurs acteurs avec qui partager un plateau.
Charlize Theron
Cette photo a été prise il y a deux mois. Comme vous pouvez le constater, Bill était vivant, aussi vivant qu’il peut l’être. Le perdre est un véritable coup de poing. Repose en paix, b..
Ron Perlman
Je suis tellement attristé par le décès de Bill Paxton. J’ai eu le plaisir de le rencontrer plusieurs fois, ces dernières années, et c’était vraiment le gars le plus adorable.
Edgar Wright
Dévasté par la perte soudaine de mon ami proche et l’un des meilleurs acteurs du secteur, Bill Paxton. Homme de la Renaissance, conteur et trésor national typiquement américain. Sa filmographie parle d’elle-même. Son amitié était une bénédiction. Mon amour pour Bunny, James et Lydia. En sa mémoire, en ce dimanche des Oscars, regardez « One False Move » ou « A Simple Plan » pour voir ce charmant homme de premier plan, à son meilleur.
Rob Lowe
Bill laisse un tel vide. Lui et moi étions des amis proches depuis 36 ans, depuis que nous nous sommes rencontrés sur le tournage d’un film à très petit budget de Roger Corman. Il est venu travailler sur le plateau, je lui ai mis un pinceau dans la main et j’ai montré un mur en disant « Peignez ça ! » Nous avons rapidement reconnu l’étincelle créative l’un de l’autre et sommes rapidement devenus amis. Ce qui a suivi, c’est 36 ans passés à réaliser des films ensemble, à s’aider mutuellement à développer des projets, à faire des voyages de plongée sous-marine, à regarder nos enfants grandir et même à plonger ensemble sur l’épave du Titanic à bord de sous-marins russes. C’était une amitié faite de rire, d’aventure, d’amour du cinéma et de respect mutuel. Bill a écrit de belles lettres sincères et réfléchies, un anachronisme à l’ère de la sténographie numérique. Il prenait grand soin de ses relations avec les gens, toujours attentionné et présent envers les autres. C’était un homme bon, un grand acteur et une dynamo créative.
James Cameron