Un Assassin surgit des abysses dans une cloche à plongée et s’enfonce au cœur d’un univers infernal peuplé de créatures mutantes et de scientifiques fous. Bientôt capturé, il devient la victime du monde qu’il est chargé de détruire…
UN VOYAGE DANS L’IMAGINAIRE D’UN CRÉATEUR DE GÉNIE.
Spécialiste des effets spéciaux et de la stop-motion, c’est à Phil Tippett que l’on doit les créatures parmi les plus mémorables du cinéma hollywoodien, de Jabba le Hutt de « Star Wars » aux insectes de « Starship Troopers ». Ayant germé dans l’esprit de son créateur dès la fin des années 80 pour être achevé trente ans plus tard, « Mad God » est une plongée dans l’imaginaire de Phil Tippett, un grand œuvre aux influences multiples qui dresse le portrait de l’homme et de l’artiste. « Mad God » est un vibrant hommage à l’animation image par image, dite stop-motion où chaque décor, chaque créature est soigneusement fabriquée à la main et animée à l’aide de techniques artisanales.
Quand j’étais très jeune, j’ai fait un rêve. Derrière les rideaux, un gigantesque monstre sinistre se tapissait. Ses intentions étaient très mauvaises. J’étais absolument terrfié par ce qu’était cette chose. Au lieu de m’enfuir, j’ai supposé que ce que je devais faire, pour affronter le démon, c’était d’être pire que lui. Donc, j’ai chargé en hurlant avec l’intention de le tuer. C’est là que je me suis réveillé.
Phil Tippett
Influences et inspirations
La genèse de « Mad God » remonte à l’enfance de Phil. Il devait avoir quatre ou cinq ans lorsque ce petit garçon découvrit le travail de Willis O’Brien au travers du film « King Kong » (1933) à la télévision, mais cela a vraiment démarré avec la découverte de Ray Harryhausen et « Le Septième Voyage de Sinbad » (1958). Enfant, Phil était influencé par le travail de Tex Avery et Max Fleischer, préférant leur vision misanthrope du monde par opposition au monde idyllique de Disney. Quelques années plus tard, il découvrit les œuvres de Jérôme Bosch grâce à son père, peintre abstrait, qui possédait des livres d’art à la maison. Le jeune Phil ne savait pas encore où il allait, mais c’était d’ores et déjà tout cela qui l’intéressait.
« Mad God » est né il y a 30 ans. J’ai fait un film de six minutes en 35 mm, mais le projet était trop colossal pour que je puisse le mettre à exécution. Quand « Jurassic Park » est sorti, c’était à l’époque où on a eu des enfants. Il aurait fallu s’adapter à la révolution des images de synthèse et à la vie avec deux enfants, donc c’était impossible que je travaille sur un projet comme « Mad God ». Je l’ai rangé dans mes archives. Il y est resté pendant 20 ans. Ces vingt années ont été la période la plus importante pour l’incubation de « Mad God » jusqu’à sa réalisation. J’ai eu beaucoup de temps pour tout élaborer. J’ai fait beaucoup d’études et de recherches pour préparer « Mad God » et pour avoir plus de clarté dans les idées que je voulais développer.
Phil Tippett
Parmi ses autres influences, on peut citer John Milton ainsi que Dante. Phil Tippett a eu le temps d’étudier l’histoire de l’art. Ce fut très important, d’autant que n’ayant pas fait d’école de cinéma, c’est sur le terrain qu’il a apprit le travail filmique.
C’était important d’avoir une approche de l’histoire de l’art car pas mal de choses qui m’intéressent dans l’étrange et le fantastique remontent aux débuts de la préhistoire. Les peintures des grottes de Lascaux et Chauvet.
Phil Tippett
En plus des animaux que les hommes de Cro-Magnon chassaient, ils ont aussi peint des spectres, des fantômes, toutes sortes de créatures imaginaires. Phil s’intéressa aussi à la mythologie hindoue, balinaise, au théâtre d’ombres japonais qu’il étudia.
Il cite en référence le livre de Kenneth Gross sur les marionnettes et l’intérêt de fabriquer des effigies à petite échelle, des personnages avec leur propre personnalité. L’art des marionnettes existe depuis des milliers d’années. Il y eut une résurgence à la fin du XIXe siècle et cela devint très populaire, attirant les foules au théâtre jusqu’aux années 1920-1930.
En étudiant les bases de la psychologie, Phil Tippett s’intéressa au travail de Carl Jung. Cela lui permit de clarifier l’importance du subconscient pour le développement des idées et la compréhension des choses. Il notait tous ses rêves, les étudiait. Cela lui apporta une manière différente d’appréhender la narration, pas nécessairement une histoire avec début, milieu et fin, mais quelque chose qui englobe plus. Pour finir, on peut citer Jacques Tati, Samuel Beckett, et Karel Zeman comme ultimes influences et inspirations.
J’ai toujours voulu faire un film qui serait une version d’un tableau de Bruegel ou de Bosch. Qui dégage les mêmes impressions. Bosch était beaucoup plus drôle que Bruegel. Ses représentations de l’enfer me passionnent. Au premier abord, c’est horrifique. Mais c’est également drôle et ironique. Je voulais trouver la même sorte d’équilibre. Ce que j’ai beaucoup aimé chez Bosch, c’est que son monde était une réflexion sur son temps. Si on lit les ouvrages sur la signification des différents éléments, il y a des petites choses toutes bêtes, comme un entonnoir sur la tête. Cela avait un sens à l’époque qu’on a perdu maintenant. Dans la littérature, on peut trouver le sens que ça avait. Mais j’ai voulu faire quelque chose de cet ordre. Pour moi, ce n’est pas une chronique. C’est une vision de notre époque, en rapport avec sa schizophrénie. C’était ça l’intention.
Phil Tippett
Du rêve à la réalité, dix années de la création de « Mad God »
Vers la fin de la production de « Starship Troopers », c’était aux alentours de l’année 1996, Phil archivait le petit film en 35mm qu’ils avaient réalisé à l’époque. Chris Morley et Matt Jacobs, du studio, le prirent en quelque sorte la main dans le sac, et lui demandèrent ce que c’était. Phil leur expliqua qu’il s’agissait d’un très vieux projet.
C’était un petit bijou. On croyait que c’était un vieux film tchèque […] Ça a allumé une flamme en nous pour faire revenir « Mad God ».
Chris Morley, superviseur des effets visuels
Pendant « Starship Troopers », Tom Gibbons, animateur, harcela Phil pour qu’il lui montre les images, mais ce dernier refusait à chaque fois. Cependant, l’insistance finit par payer et Phil finit par lui montrer la séquence entière. Cela donna le courage aux gars du studio de le harceler de plus belle, année après année, pour qu’il fasse enfin « Mad God ».
Chuck Duke, animateur, a rejoint le studio Tippett en 2000 ou 2001, à l’époque des films « Matrix ». Il était au courant de l’existence du projet « Mad God » mais ne savait pas comment approcher Phil à ce sujet, qui avait déjà son équipe avec qui il travaillait dessus. Alors, il rongea son frein pendant un an et demi. Dès lors qu’il commença à travailler dessus, il resta jusqu’à la fin.
C’était un retour à mes 13 ans, où je faisais le même genre de choses. Je barbouillais mon G.I. Joe, je brûlais les Barbie de ma soeur. Elle ne le voyait qu’après les avoir récupérées… cramées. « Mad God » est tout ce qu’on peut désirer. On est libre. On est dans la créativité pure.
Chuck Duke, animateur
J’ai grandi à l’époque où les films de Spielberg sont sortis. J’adorais les images et les sensations que ça procurait, c’était des effets pratiques. C’est pour ça que je fais ce métier. Il a évolué vers le monde numérique et c’était inéluctable. Mais « Mad God » m’a donné l’occasion d’utiliser mes mains et de faire les mêmes choses que je faisais enfant.
Chris Morley, superviseur des effets visuels
Une chose que j’apprécie en faisant « Mad God », c’est que juste en travaillant sur les accessoires, on entre dans une autre dimension. C’est de la méditation, c’est agréable. Quoi que l’on fasse, ça va apparaître dans le film. Phil est très bon pour inclure les petites erreurs. Le travail final intègre forcément le monde de « Mad God ».
Hans Brekke, animateur en chef
Ces gars-là ont grandi en regardant RoboCop, Star Wars et ce genre de films… Ils voulaient travailler avec des miniatures, des maquettes, de la stop-motion, mais ils ont raté cette période. Ils sont devenus infographistes. Mais ce projet leur a donné l’occasion de faire ce dont ils rêvaient.
Phil Tippett
Une chose en amenant une autre, Phil choisit des volontaires et des étudiants pour les aider à la réalisation du film. Il y eut un vrai partenariat entre Tippett Studio et l’Academy of Art University de San Francisco. Ils étaient très enthousiastes. Des gens de l’école sont venus voir ce que c’était, les étudiants venaient voir de près le studio, discuter avec le réalisateur, regarder les rushes… C’est inhabituel car la plupart des écoles n’ont généralement pas accès aux studios, ni aux cinéastes. Ils mirent tous la main à la pâte et c’est ainsi que de nombreux éléments du film furent créés et animés par de jeunes étudiant(e)s. David Lauer, encore étudiant en 2012-2013, fut amené par Tom Gibbons dans la fabrique de « Mad God ». Phil l’a tout de suite mis à contribution pour fabriquer les poignées des montagnes de mallettes de centaines de milliers d’Assassins morts. Certains venaient le week-end, comme Chuck Duke, qui travaillait uniquement le samedi sur « Mad God ». Certains décors ont pris des mois et des mois, parfois des années, à être terminé.
Travailler sur Mad God était très différent des autres productions, où tout est très précisément indiqué. Ici, il y avait un début, une fin, et une action globale qui devait avoir lieu. Phil demandait alors un certain nombre d’images, 50, 100, 200 images… Le challenge consistait alors à produire la longueur de film dont il avait besoin. Phil donnait des directions avec énormément de liberté pour les animateurs, laissant le champ libre à leur interprétation.
L’animation n’a pas besoin d’être parfaite, il suffit de montrer l’intention du plan.
Tom Gibbons, superviseur de l’animation
Plus on laisse les gens faire les choses comme ils veulent, plus on leur laisse de liberté tout en les guidant s’ils le demandent, plus ils fournissent un super travail. Tout le monde passe un bon moment, même si on bosse beaucoup. On travaille sur plein de choses, […], mais ce dont on se souvient, ce sont les gens avec qui ont les a faites.
Phil Tippett
Dans mon travail quotidien, je n’ai pas souvent l’occasion d’apprendre de mes erreurs. Avec « Mad God », oui. En regardant Phil travailler, on comprend comment « Star Wars » est né dans le sous-sol de quelqu’un. Comment on faisait des films avant. On prend ce qu’on a, on démarre la caméra, on regarde les rushes et on recommence si nécessaire. […] Le produit est moins important pour lui que le fait d’être avec les gens avec qui il veut travailler et de faire les choses manuellement. C’est le processus qui compte. Le produit en lui-même est très important, mais secondaire.
Niketa Roman, relations publiques & médias sociaux
Je vais faire ce film et il va vivre sa vie.
Phil Tippett
Le blu-ray du film est édité par Carlotta
Sortie le 3 octobre 2023
Durée : 1h20
Suppléments :
Interview de Phil Tippett (5 mins),
« Mad God », influences & inspirations (7 mins),
Le making-of de « Mad God », par Maya Tippett (10 mins)
Pire que le démon, par Maya Tippett (13 mins)
Academy of Art University & « Mad God » (5 mins)
Dans les coulisses de « Mad God » (13 mins)
Un rêve éveillé: la création de « Mad God » (30 mins)